Consultance pour une étude socio-anthropologique sur les pratiques corruptives dans le secteur de la justice en RDC

RCN Justice et Démocratie

Contexte et justification

RCN Justice & Démocratie (RCN J&D) est une organisation non-gouvernementale belge. Sa mission consiste à promouvoir et appuyer une justice de proximité et une justice transitionnelle, ainsi que des pratiques démocratiques dans des sociétés et Etats en transition ou en développement. En République Démocratique du Congo (RDC) depuis 2001, RCN J&D met en œuvre des programmes de soutien aux acteurs judiciaires et membres de la société civile dans le but de promouvoir une justice accessible, répondant aux besoins de la population.

Dans le cadre du Programme d’appui à la réforme de la justice II (PARJ), financé par l’Union européenne et cofinancé par le Coopération belge au développement, RCN J&D met en œuvre le produit suivant : « Le cadre normatif et la stratégie de lutte contre la corruption sont consolidés par divers apports techniques » qui prévoit la réalisation d’une étude sur les pratiques de corruption au sein du secteur de la justice.

D’après la Banque Mondiale, la corruption peut être définie comme « l’abus d’une fonction publique pour un profit personnel » et constitue un frein essentiel au développement économique et à l’instauration d’un Etat de droit. La corruption en RDC est un phénomène de grande ampleur, comme en atteste l’indice de perception de la corruption de Transparency International, qui a classé en 2020 la RDC au 170e rang sur un total de 180 pays. Le secteur judiciaire n’est pas épargné par ces dynamiques de corruption, lesquelles sont présentes à tous les niveaux du système judiciaire, dans tous les corps de métiers et limitent très sensiblement l’impact de ses actions. Le système judiciaire est perçu pour cette raison avec défiance de la part de la population qui considère la justice étatique comme imprévisible et prédatrice, à l’opposé de sa mission de sécurisation juridique et de l’idéal d’égalité devant la loi qu’elle devrait incarner. Au-delà de la grande corruption, ce sont des pratiques de petite corruption auxquelles le justiciable est confronté au quotidien dans son contact avec les services de justice : facturation de services gratuits, frais de justice fantaisistes ou excessifs, pots-de-vin payés aux acteurs judiciaires pour faire avancer une procédure, obtenir une décision dans le sens souhaité, cautions et amendes transactionnelles détournées de leur fonction pour ne pas être reversées au Trésor Public. Quant à la grande corruption, il apparaît qu’elle ne pourra être adressée et sanctionnée que par une justice fonctionnelle, intègre et indépendante, elle-même débarrassée des pratiques de corruption existant en son sein.

RCN J&D propose d’analyser les pratiques corruptives en se référant au cadre conceptuel de normes pratiques[1], au sens développé par l’anthropologue, Olivier de Sardan, c’est-à-dire des pratiques professionnelles non observantes des normes officielles (donc illégales) mais qui sont à la fois généralisées et non aléatoires. En RDC, ces normes pratiques sont devenues centrales et font de la corruption une pratique banalisée, prévisible et généralement acceptée dans la société congolaise, se confondant souvent au quotidien avec de simples échanges de faveurs ou de services, dans un contexte d’ignorance des justiciables vis-à-vis du système judiciaire. Si certaines de ces normes pratiques permettent de faire fonctionner les services judiciaires (par exemple, à travers le fait de demander aux justiciables de l’argent pour le papier, le carburant…) voire d’humaniser le système, d’autres nuisent gravement à son bon fonctionnement et portent atteinte aux droits des usagers et à la dignité de la personne humaine.

Diverses pressions sociales jouent également un rôle déterminant dans les comportements de corruption : la pression familiale et les logiques de redistribution qu’elle engendre, le phénomène de mimétisme et de pressions des pairs (celui qui ne joue pas le jeu au sein du service et qui résiste face à la corruption est marginalisé, ridiculisé voire sanctionné), la pression de la hiérarchie, en ce que le supérieur hiérarchique peut exiger de ses subordonnés une contribution financière régulière, sorte de tribut payé au chef.

L’objectif de cette étude est de comprendre les pratiques corruptives et les causes qui les sous-tendent afin d’identifier de nouvelles pistes d’action. Cette étude ne se focalisera donc pas seulement sur l’identification des déterminants socioculturels de la corruption mais principalement sur la compréhension des pratiques professionnelles réelles des acteurs ainsi que des pressions diverses qui concourent à la généralisation de la corruption.

L’une des hypothèses de travail retenue par RCN J&D est que la compréhension des normes pratiques et des pressions multiples qui s’exercent sur les acteurs de la justice offre un meilleure intelligibilité sur l’articulation entre le système de corruption et le fonctionnement réel du service public de la justice en RDC et qu’il en résulte de nouvelles perspectives d’action en matière de campagnes de sensibilisation, de dynamiques de résistance à la corruption, de stratégies plus fines de plaidoyer, d’actions de contrôle interne et de contrôle citoyen ou de tout autre initiative à même d’améliorer le fonctionnement du service public de la justice en RDC.

Objectifs et résultats attendus de la prestation

RCN J&D recherche un consultant/cabinet/bureau d’études chargé de mener une étude socio-anthropologique de type qualitatif sur les pratiques corruptives dans le secteur de la justice en RDC, et plus spécifiquement dans la ville-province de Kinshasa et la province de l’Equateur.

Plus spécifiquement, il s’agit de :

  • Collecter des données qualitatives sur les pratiques de corruption, sur les normes pratiques régissant les interactions entre les acteurs judiciaires ainsi qu’entre les acteurs judiciaires et les justiciables.
  • Rédiger un rapport d’analyse comprenant des recommandations pour renouveler les approches de lutte contre la corruption en RDC et d’amélioration du fonctionnement de la chaine judiciaire
  • Rédiger un rapport final d’exécution de sa mission qui contient un résumé analytique d’au maximum 10 pages sur l’analyse menée (brève description de la mission, des objectifs, méthodologie, principaux résultats et recommandations).

Méthodologie

Le consultant est responsable de développer le protocole de recherche et les outils nécessaires. Ces derniers seront présentés en début de recherche à l’équipe de suivi de RCN J&D et finalisé en concertation avec celle-ci. Le protocole de recherche détaillera les objectifs, les questions de recherche, la méthodologie adaptée dont les modes de collecte de données, les personnes à rencontrer, la liste bibliographique, les outils de collecte de chaque groupe, le chronogramme et les limites de la recherche.

Livrables

Au début et au terme de la mission, le/la consultant(e) devra rendre les produits suivants :

  • Livrable 1 : une note méthodologique (incluant notamment la méthodologie de collecte de données qualitatives et quantitatives, ciblage des zones/communes à évaluer et l’approche analytique) assortie d’un plan de travail et d’un chronogramme validé par RCN J&D en début de mission
  • Livrable 2 : un rapport de recherche sur les pratiques corruptives dans le secteur de la justice dans les deux provinces ciblées à la date convenue dans le chronogramme validé par RCN J&D
  • Livrable 3 : une restitution orale de la recherche à l’équipe de suivi de RCN J&D
  • Livrable 4 : un rapport final d’exécution de la mission qui contient un résumé analytique d’au maximum 10 pages sur l’analyse menée (brève description de la mission, des objectifs, méthodologie, principaux résultats et recommandations).

Lieu et durée de la consultance

La durée de la consultance est de 45 jours ouvrables (mission perlée).

Elle sera basée en RDC et se partagera entre Kinshasa et Mbandaka.

Profil recherché

Le/la consultant(e) aura les compétences suivantes :

  • Diplôme de troisième cycle (Doctorat ou Master de recherche) en droit et /ou sociologie, sciences politiques ou en anthropologie ou expérience équivalente.
  • Justifier d’une expérience professionnelle de dix ans au moins dans le domaine de la coopération dans les Etats fragiles/ en développement
  • Bonne connaissance de l’anthropologie et de la sociologie de la justice ;
  • Expérience avérée en matière d’évaluation dans le secteur de la justice.
  • Expérience avérée dans la réalisation d’études empiriques qualitatives de perceptions et pratiques de la population et des acteurs publics en Afrique subsaharienne.
  • Expérience avérée dans le domaine de la réforme judiciaire dans les Etats fragiles est un plus
  • Connaissance de la région des Grands Lacs et de la RDC est un plus
  • Excellentes capacités rédactionnelles en français

[1] Jean-Pierre Olivier de Sardan, De la corruption aux normes pratiques. Une socio-anthropologie des écarts. Savoir et corruption, Holtedahl, L. & Issa Djesa, R. (eds), Paris, Karthala, 2017 ; La revanche des contextes. Des mésaventures en ingénierie sociale en Afrique et au-delà, Karthala, 2021

How to apply

Dossier de candidature

Le dossier de candidature sera composé de :

  • Un CV détaillant notamment les missions similaires
  • En cas d’appui du/de la consultant(e) international par un/une consultant(e) national(e), fournir également son C.V. détaillé, vérifier qu’il ou elle est titulaire d’un NIF
  • Une offre technique détaillée
  • Une offre financière qui prendra en compte en le détaillant l’ensemble de coûts (y compris les charges fiscales) liés à la mission et indiquera le prix total proposé
  • Trois références professionnelles incluant noms, prénoms, fonctions au moment de la collaboration, emails et contacts téléphoniques
  • Un extrait d’études empiriques qualitatives de perceptions et pratiques de la population et des acteurs publics en Afrique subsaharienne.

L’appui d’un ou plusieurs consultants nationaux peut être envisagé à condition qu’ils soient recrutés directement par le/la consultant(e) international(e) et inclus dans la proposition financière unique.

Les offres seront évaluées sur base d’une analyse cumulative (40% profil du consultant, 40% offre technique, 20% offre de prix).

Comment candidater ?

Les différents éléments constitutifs du dossier à soumettre sont à envoyer au plus tard le 16 septembre 2022 à 17h00 (heure de Kinshasa) uniquement par courrier électronique et en fichiers PDF à l’adresse suivante : [email protected] avec comme objet PARJ2/ET.CORR/RCN2022

Seules les candidatures présélectionnées seront contactées.


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